T’as craqué ton Livret A qui ne rapporte plus grand-chose ?

T’a cramé ton LLD ?

Tu es allé chez l’AD Rolex le plus proche de ton domicile, et tu t’es dit, je viens là avec 33.000 euros et je vais devenir riche !

Tu le connais un peu : tu lui a brisé les bombecs au moins une fois par mois lorsque, le week-end venu, tu as enfilé ta panoplie du jeune cadre qui a réussi et que tu es venu essayer la moitié de son stock, de Longines à Omega, en passant par les Tudor et autres Oris…

Là, tu es décidé. Tu vas devenir businessman !

Tu as sorti le grand jeu…Le jeans Armani, la ceinture Gucci, le polo Lacoste turquoise, le bracelet à bou-boules, les Ray-Ban négligemment  posées en serre-tête, et les AirMax série limitée achetée sur Vinted aux pieds.

Tu n’impressionnes que toi, et ta copine, que tu as trouvée chez Sephora au rayon cosmétique dédié aux minettes.

Le cerbère de service, deux mètres et des bras comme tes cuisses, saillants sous le costume noir, l’oreillette ostensible et les lunettes fumées te laisse entrer. Il t’a reconnu…

Le gars qui vient mater et n’achète jamais…

Il ne sait pas que ton compte courant est gonflé des 33.000 balles…

Assuré, tu demandes à voir, non pas le moins capé des vendeurs – ceux qu’on réserve aux mecs comme toi – mais le patron.

T’es pas dans un restaurant de routiers…on dit pas le Patron, on dit le responsable…

Il ne t’a jamais adressé la parole. Il a la soixantaine opulente, le poil argent, une Daytona platine au poignet, les Churchill glacées au pieds, et un costume mesure…

Il te propose de t’asseoir et te demande ce qu’il peut faire pour toi.

Il est très urbain, et tu sens son eau de toilette, discrète et subtile… tout l’inverse de ton Mont-Blanc poivré…

Avoue… Il t’impressionne.

Ben voilà, je voudrais acheter deux Rolex Daytona. Une blanche et une noire. La noire pour les soirées, la blanche pour le bureau.

Il te voit venir, avec tes gros sabots de spéculateur petit-bras…

Je vois, Monsieur.

Je vais vous présenter les montres, mais elles ne sont pas à vendre…

La liste d’attente est longue, dans une maison comme la nôtre…

Disons 3 à 5 ans ?

Aïe… 5 ans, ça va mettre une claque à la plus-value…

J’ai déjà 34 demandes sur ces modèles… Des clients habituels de la Maison….

Tu comprends, mon gars ? Tu l’auras jamais dans cette boutique, ta doublette !

Tu expliques que tu dois réfléchir, dans ces conditions…

Une fois dans la rue, tu regardes Chrono 24…

Une 116500 LN de 2021 à 33.000 euros ?

Bon, ben….

Et tu y vas, tu cours même…

Il est où le businessman… ?

Je ne vois que le couillon.

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Jean B

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